Beat Nation est une exposition qui porte sur la traduction et l’adaptation culturelles. Plutôt que d’emprunter à des conceptions binaires préconçues qui opposeraient la « tradition » au « contemporain », cette conversation sera axée sur le processus d’adaptation qui opère dans les riches intrications entre cultures autochtones et populaires. Gerald Vizenor cite la perméabilité et la transformation des genres, des races et même des espèces (métamorphose) comme relevant d’une esthétique autochtone distincte qui émanerait des traditions du conte. On pourrait en dire autant de la transmutation dans les pratiques liées à la matérialité et la musique. Cette propension à la mobilité entre des catégories considérées comme immuables dans la culture dominante – mobilité permettant de citer, de mêler, et d’échantillonner librement – est riche de potentiel. Les artistes réunis dans l’exposition Beat Nation sont des créateurs de culture.

Il existe encore une tendance à temporaliser la culture autochtone – à situer cette culture dans le passé. Sur le plan historique, les exemples d’hybridité culturelle étaient habituellement considérés comme liés à un processus de contamination ou comme des objets impurs. Au début des années 1900, par exemple, le photographe Edward S. Curtis s’est donné beaucoup de mal pour enlever tout article moderne à ses modèles, alors qu’il travaillait à son livre en plusieurs volumes The North American Indian. Curtis a fait disparaître les montres et les vêtements d’origine européenne de ses modèles, rhabillant souvent ceux-ci avec des articles provenant d’une boîte d’accoutrements « authentiques » qu’il transportait avec lui. Pour Curtis, la culture autochtone était immuable, fixée dans le temps et dans l’espace. Ses photographies masquaient la plus ancienne tradition des Amériques : le changement.

Cet évènement, organisé par Candice Hopkins, présentera des conversations entre artistes, historiens de l’art et commissaires d’exposition de premier plan œuvrant actuellement au Canada et aux Etats-Unis, qui porteront sur des concepts liés à l’adaptation culturelle et à l’innovation.

Participants : 

Marcia Crosby a enseigné la littérature et les études amérindiennes à la Vancouver Island University pendant 16 années. Œuvrant comme chercheure, auteure et commissaire, elle compte parmi les plus importants historiens de l’art au Canada; elle a écrit sur le travail de Bill Reid, d’Emily Carr et de Rebecca Belmore, et est l’auteure de l’influent essai « Construction of the Imaginary Indian ». Dans ses travaux actuels, Crosby poursuit la recherche et l’écriture qu’elle a entreprises comme commissaire de l’exposition Nations in Urban Landscapes (1994), qui portait sur la production culturelle autochtone destinée à des publics variés dans les espaces urbains, ainsi que sur la formation de subjectivités autochtones comme étant « indigènes » à la vie urbaine. Crosby a exploré son intérêt pour ce qu’on qualifie souvent de « moderne » dans deux expositions dont elle a été la commissaire, soit Aboriginal art in the city: Fine and Popular (2008), dans le cadre de Vancouver Art in the 60s, et The Paintings of Henry Speck: Udz’stalis (Karen Duffek, co-commissaire) (2012). La première est accessible en ligne et un essai pour  la seconde est également disponible. Marcia Crosby détient un baccalauréat en beaux-arts et en littérature anglaise, une maîtrise en histoire de l’art et en théorie culturelle de la UBC, et elle est présentement doctorante en histoire de l’art.

Candice Hopkins (Tlingit) est commissaire indépendante et auteure, et vit à Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Ses écrits sur l’histoire, l’art et l’architecture vernaculaire ont été abondamment publiés. Elle a été invitée à titre de conférencière, notamment par le Witte de With, la Biennale de Dakar et la Tate Modern. En 2012, Hopkins a prononcé un discours d’ouverture sur « l’imagination souveraine » à la dOCUMENTA 13. Parmi ses projets récents, mentionnons Close Encounters: The Next 500 Years, une exposition présentée dans plusieurs sites à Winnipeg avec comme co-commissaires Steve Loft, Jenny Western and Lee-Ann Martin; et Sakahàn: International Indigenous Art, avec comme co-commissaires Greg Hill et Christine Lalonde, le plus grand survol de l’art autochtone récent réalisé par le Musée des beaux-arts du Canada. Elle est co-commissaire avec Lucia Sanroman, Irene Hoffmann et Janet Dees de l’édition 2014 de la biennale SITE Santa Fe, intitulée Unsettled Landscapes.

Mark Lanctôt est conservateur au Musée d’art contemporain de Montréal, où il a été le commissaire d’expositions monographiques de Yannick Pouliot (2008), Tacita Dean (2009), Marcel Dzama (2010), Runa Islam (2010), Daniel Young & Christian Giroux (2011), Pierre Dorion (2012) et Michel de Broin (2013). Il a également signé une exposition d’œuvres de la Collection intitulée Autres espaces (novembre 2009). Mark Lanctôt a été le co-commissaire des deux premières éditions de la Triennale Québécoise (2008 et 2011), ainsi que de la rétrospective Claude Tousignant (février 2009). Avant d’arriver au MACM en 2006, il agissait à titre de commissaire indépendant et de directeur de l’Association des galeries d’art contemporain (Montréal). Il est détenteur d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université de Montréal (2002) et a publié dans des périodiques tels que Canadian Art et Esse: Art + Opinions.

madeskimo est le projet en cours de Geronimo Inutiq, artiste en musique électronique d’origine Inuk, producteur de musique et DJ qui se sert de divers instruments et de synthétiseurs digitaux et numériques, de même que du remix et du traitement d’échantillons issus de plusieurs sources – traditionnel inuit et autochtone, électronique moderne et musique urbaine – en vue de créer une plateforme expérimentale. madeskimo s’est produit dans plusieurs festivals et événements, comme l’Igloolik Rockin’ Walrus Arts Festival, Sakahan à Ottawa, le pavillon Four Host First Nations dans le cadre des Jeux olympiques d’hiver 2010 à Vancouver, la Winnipeg Aboriginal Music Week, le Hip Hop tout en Couleurs pour le 400e anniversaire de Québec produit par la Maison des cultures nomades, la Transmediale et le Club Transmediale de Berlin. Son travail multimédia a été présenté dans des expositions collectives, entre autres à la galerie grunt de Vancouver, au Musée de la civilisation à Québec, à la Vancouver Art Gallery et au Musée Cerny en Suisse. Il est un membre actif de la communauté autochtone de Montréal, et il a étudié en anthropologie et sociologie à l’Université Concordia.

Dylan Miner (Métis) est professeur agrégé à la Michigan State University, où il coordonne un nouveau programme intitulé « Indigenous Contemporary Art Initiative ». Il est détenteur d’un doctorat de l’University of New Mexico et a publié plus de cinquante articles pour des revues, chapitres de livre, essais critiques et notices encyclopédiques. En 2010, il s’est mérité une bourse, l’Artist Leadership Fellowship, du National Museum of the American Indian, Smithsonian Institution. Depuis 2010, son travail a fait l’objet de treize expositions individuelles et il a été artiste en résidence, notamment à la School of the Art Institute of Chicago, à l’École supérieure des beaux-arts de Nantes et au Santa Fe Art Institute. Des articles sur ses travaux sont parus dans ARTnews, Indian Country Today, First American Art Magazine, le Globe and Mail, le Guardian et le Chicago Sun-Times, entre autres. Miner est issu des familles Miner-Brissette-L’Hirondelle-Kennedy et a des liens ancestraux avec les communautés autochtones des Grands Lacs, des Prairies et de la région subarctique.

Marianne Nicolson est une artiste de descendance écossaise et de la Première Nation Dzawada̱’enux̱w. La Nation Dzwada’enuxw est une tribu membre des Nations Kwakwa̱ka̱’wakw de la côte du Nord-Ouest du Pacifique. Sa formation comprend aussi bien les formes d’expression et la culture Kwakwaka’wakw traditionnelles qu’une pratique artistique de source euro-occidentale. Elle détient un baccalauréat en beaux-arts de l’Emily Carr University of Art and Design (1996), une maîtrise en beaux-arts (1999), une maîtrise en linguistique et en anthropologie (2005), et elle fera sa soutenance de thèse en linguistique, anthropologie et histoire de l’art en décembre 2013, à l’Université de Victoria. Son travail a été présenté dans des expositions locales, nationales et internationales; elle a fait paraître divers essais et articles, et a donné plusieurs communications orales. Dans sa pratique, elle manifeste un intérêt à des enjeux liés aux histoires et à la politique autochtones qui se fonde sur son engagement passionné dans la revitalisation et la durabilité de la culture Kwakwaka’wakw.