L’artiste américain Bruce Nauman est l’une des figures majeures de l’art contemporain. Célébré comme l’un des plus grands artistes vivants selon le magazine ArtNews et parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde par les magazines Esquire et Time, Bruce Nauman exerce depuis plus de quarante ans une influence considérable sur des générations d’artistes.  

Notions de corps et d’identité, rôle du langage, phénomènes de perception de l’espace, processus artistique et participation du spectateur sont des thèmes qui reviennent constamment dans l’œuvre de l’artiste. Nauman explore de manière rigoureuse et innovatrice plusieurs moyens d’expression ­ néon, sculpture, film, vidéo, performance, dessin ­ et il est considéré comme l’un des pionniers de l’installation.

L’œuvre au néon

Pour rendre compte de cette multidisciplinarité, l’exposition du Musée d’art contemporain est constituée de deux volets distincts et complémentaires. Un premier volet intitulé Elusive Signs: Bruce Nauman Works with Light, organisé par le Milwaukee Art Museum, regroupe un ensemble remarquable d’une quinzaine de sculptures au néon et d’installations lumineuses réalisées au cours des deux premières décennies de sa carrière (de 1965 à 1985). Des tubes au néon envahissent l’espace, proposant des jeux de mots comme None Sing, Neon Sign ou Run from Fear, Fun from Rear. D’autres néons représentent des figures aux allures clownesques tel Mean Clown Welcome. Ces œuvres de lumière traitent avec ironie et humour des contradictions inhérentes à la condition humaine et de ses oppositions : le sexe et la violence, l’humour et l’horreur, la vie et la mort, le plaisir et la douleur. Les installations architecturales Corridor with Mirror and White Lights (Corridor with Reflected Image) et Helman Gallery Parallelogram de 1971, déconstruisent l’espace et l’enveloppe d’une luminescence telle qu’elles font vivre une expérience sensorielle pour le moins déroutante.

Joseph D. Ketner II, conservateur en chef du Milwaukee Art Museum et commissaire de ce volet prévient : « Cette exposition est entièrement basée sur l’expérience des visiteurs. Ils vont expérimenter une désorientation de lumière et d’espace, exactement comme le souhaite Nauman ! »

Un volet exclusif à Montréal

Le second volet conçu exclusivement pour la présentation à Montréal par Sandra Grant Marchand, conservatrice du Musée d’art contemporain, réunit une sélection de films et de vidéos des années 1960, des installations vidéographiques charnières des années 1980, 1990 et 2000, ainsi que l’œuvre magistrale récente One Hundred Fish Fountain (2005). Inscrivant le langage du corps au centre de ses investigations, Nauman exprime dans ses films et vidéos le passage du temps, la répétition, le rituel des gestes quotidiens et la conscience de soi qui en résulte. On y voit le plus souvent l’artiste exécuter des performances à l’intérieur de son atelier.

Trois installations vidéographiques majeures viennent ponctuer chacune des trois dernières décennies de la production de Nauman. Clown Torture (1987) est une œuvre particulièrement marquante dans le parcours de l’artiste par la tension qu’elle suscite chez le spectateur entre comédie et tragédie. Elle met en scène des clowns aux prises avec des sentiments d’angoisse et d’enfermement et aborde des thèmes aussi délicats que l’aliénation mentale, la surveillance et la torture. Anthro/Socio (Rinde Spinning) de 1992 questionne le rôle du langage et la participation du visiteur à l’expérience esthétique. Dans Office Edit II (2001), Nauman filme de nuit son studio infesté de souris. L’œuvre, explique Sandra Grant Marchand, « devient ce qui arrive dans l’espace de l’atelier, et l’artiste, le témoin des activités qui s’y déroulent : une manière nouvelle de communiquer l’étrange continuité qui marque la vie ».

Cette continuité de la vie se retrouve dans l’œuvre spectaculaire One Hundred Fish Fountain (2005) qui fait écho à des souvenirs d’enfance de l’artiste, alors qu’il pêchait avec son père au lac Michigan. L’œuvre est constituée de 97 poissons en bronze, suspendus par des fils, au-dessus d’un immense bassin. L’eau circule à travers les poissons et jaillit de leur corps. La fontaine est programmée de telle sorte que le spectateur puisse entendre tantôt le bruit et le mouvement de l’eau, tantôt le silence.

Bruce Nauman a constamment cherché à repousser les frontières de l’art et à susciter chez le spectateur une réflexion sur les contradictions inhérentes à la condition humaine et à notre monde actuel.

Commissarié par : Sandra Grant Marchand