Ce nouveau déploiement de la Collection permanente réunit une dizaine d’œuvres remarquables réalisées par autant d’artistes reconnus sur la scène internationale, canadienne et québécoise. Figures phares au sein de leur discipline respective — peinture : Anselm Kiefer, Paterson Ewen et Ron Martin; sculpture : Roland Poulin; photographie : Jeff Wall, Arnaud Maggs, Angela Grauerholz et Roberto Pellegrinuzzi; vidéo : Gary Hill et Nan June Paik —, ces artistes majeurs enchâssent dans la spécificité d’un médium, dont ils s’attardent pourtant à bousculer les acquis et les manières, des considérations esthétiques et plastiques qui se nourrissent aux sources mêmes de l’histoire et de l’existence. Tour à tour sobres et spectaculaires, concises et lyriques, ces œuvres éminemment substantielles nous transportent littéralement au cœur des choses.
Qu’il s’agisse d’une matière picturale consistante, prégnante et mouvementée (Martin), plus raréfiée, vaguement schématique et fortement évocatrice (Ewen), ou encore d’une polychromie sculpturale assombrie, à la fois dense et immatérielle (Poulin), l’économie relative de la couleur accentue de manière paradoxale les excès et les débordements, tout comme elle s’accorde avec une certaine rigueur symbolique — en préservant cependant la force vive des impressions. Les images photographiques de Grauerholz, Wall et Maggs interprètent différemment les grands genres — paysages, mises en scène et portraits; elles composent dans le flou et le sépia, dans l’isolement grandiose (de la personne) et la répétition clinique (du visage de Joseph Beuys), des tableaux magistraux, émouvants, sublimes. Proposant lui aussi un hommage à Beuys, l’assemblage bricolé du pionnier de l’art vidéo, Nan June Paik, fixe sur toile et en raccourci l’urgence d’une performance médiatisée, l’image électronique et la statuaire traditionnelle asiatique. Enfin, ainsi que le sous-entend son titre, Dervish, de Gary Hill, émane d’un foyer giratoire (le derviche tourneur pivotant sur lui-même lors de rituels incantatoires) d’où surgissent en une suite rapide et saccadée les images et les sons pulvérisés dans l’obscurité trouée de vrombissements. La force d’attraction et le caractère quasi contemplatif, quoique vraiment intense, de cette imposante installation vidéographique trouverait un écho inattendu, à la fois actuel et transhistorique, dans la placidité extrême et l’extraordinaire pouvoir d’évocation du tableau Die Frauen der Antike (Les Femmes de l’Antiquité) de Anselm Kiefer.