L’exposition constitue une rétrospective de mi-carrière de l’artiste et propose une soixantaine d’œuvres réalisées entre 1992 et 2009. On y redécouvre notamment Promenade en 56 tableaux, de 1993, qui introduisait la notion de cartographie qui marquera l’ensemble de son œuvre. Dans ce premier cas, c’est un plan destiné au tourisme d’art dans le quartier parisien du Marais qui sert de point de départ. Dans Le Dépôt de peinture, 2000, un tableau inspiré par un résidu trouvé au fond d’un pot de peinture, la cartographie prend la forme de craquelures.
La lecture de deux ouvrages sur le travail du peintre Fernand Leduc est à l’origine de la série Un plein un vide, 2001, où Savard superpose les qualités picturales décrites aux formes des peintures de Leduc. Le titre Les Couleurs de Cézanne dans les mots de Rilke, 36/100 – Essai, 1998, renvoie aux lettres écrites par le poète Rilke à sa femme, à propos de la peinture de Cézanne. Fascinée par la richesse du vocabulaire du poète, Savard imagine ce que peut être « du blanc comme couleur » ou « un jaune d’un vert terreux ». Une décennie plus tard, l’artiste s’attaque à un autre monument de l’art moderne, l’œuvre Tu m’, de 1918, de Marcel Duchamp qu’il considérait lui-même comme la synthèse de ses préoccupations antérieures. Et c’est ce legs qui a inspiré à Savard la création de son œuvre la plus ambitieuse réalisée à ce jour Tu m’, un dernier tableau de 2009, une spectaculaire transposition de la célèbre charte de couleurs dans l’espace réel : une courbe de sept mètres de long qui flotte dans l’espace, opérant un passage de la deuxième à la troisième dimension. Ce « dernier tableau » questionne à la fois le caractère illusoire de l’espace perspectiviste bidimensionnel et le débat sur la fin de la peinture. L’œuvre clôt et résume de manière magistrale le bilan d’une artiste en mi-carrière qui nous entraîne dans des déambulations au cœur même de la peinture.