Dix-neuf artistes qui n’ont jamais foulé la terre des hommes fouillent ce terreau fertile pour produire une exposition unique, à la fois évocatrice et actuelle.
L’exposition a été l’occasion pour les artistes, à qui des œuvres ont été spécialement commandées pour l’occasion, de plonger dans les archives et dans l’histoire pour réinventer l’esprit d’Expo 67 avec une approche contemporaine et un regard actuel.
Les résultats de cette recherche prennent notamment la forme de films : les images tournées par Marie-Claire Blais et Pascal Grandmaison dans les îles d’Expo 67 révèlent des traces d’apparition et d’effacement; s’inspirant du film Le Huitième Jour, réalisé par Charles Gagnon pour le pavillon chrétien, Emmanuelle Léonard propose un montage d’images tirées d’Internet et témoigne des conflits ayant sévi depuis 1967; David K. Ross refait avec un drone, à douze mètres du sol dans le paysage actuel du parc Jean-Drapeau, le parcours du célèbre minirail.
D’autres artistes, s’intéressant à des pavillons précis, ont choisi la forme de l’installation multimédia : JeanPierre Aubé fait écho au pavillon Kaléidoscope avec une œuvre vidéographique aux effets psychédéliques montrant en accéléré la cristallisation de produits chimiques; Geronimo Inutiq s’inspire de Katimavik, la pyramide inversée du pavillon du Canada pour proposer une installation multimédia comprenant œuvres photographiques, séquences d’archives vidéo et composition sonore; Charles Stankievech interagit avec l’architecture impressionnante du pavillon des États-Unis, soit le dôme géodésique de Buckminster Fuller, et s’interroge sur les idéologies contradictoires qui animaient ce dernier.
L’exploration des archives d’Expo 67 offre l’occasion de mettre en lumière des facettes moins connues de l’événement. Dans son installation, le collectif d’artistes Leisure rend hommage à l’architecte paysagiste Cornelia Hahn-Oberlander qui a remis en question les notions conventionnelles de jeu chez l’enfant en concevant un environnement unique en son genre. Althea Thauberger revisite l’Arbre du peuple du pavillon du Canada, qui a utilisé la photographie documentaire pour transmettre une certaine vision de l’identité canadienne. Deux artistes renvoient au pavillon des Indiens du Canada : Duane Linklater questionne l’institutionnalisation et l’historicisation des corps et de l’art autochtone en créant une vaste murale in situ inspirée par celle de Norval Morrisseau sur la façade du pavillon, tandis que Krista Belle Stewart propose une installation in situ composée d’images d’archives.
Simon Boudvin dresse un inventaire photographique des traces d’Expo 67 trouvées dans les rues de Montréal qu’il accompagne de citations extraites de documents officiels de 1967. Stéphane Gilot fait découvrir le vocabulaire architectural d’Expo 67 à l’aide de Minecraft, un jeu vidéo de construction de mondes auquel les visiteurs sont invités à participer.
L’ambiance sonore d’Expo 67 parvient également jusqu’à nous. Chris Salter, avec sa composition lumineuse et sonore, renvoie aux Polytopes révolutionnaires du compositeur Iannis Xenakis présentés en première au pavillon de la France; Kathleen Ritter et David Ritter examinent, dans leur installation sonore, les espaces auditifs d’Expo 67, en particulier les phénomènes d’échantillonnage et de répétition qu’ils considèrent comme des signes précurseurs de la culture DJ et du remixage; à partir de films d’archives interactifs et multimédias projetés à Expo 67, Caroline Martel propose un montage aussi dynamique et varié que l’événement en soi qui sera diffusé sur la mosaïque d’écrans de l’espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts; Cheryl Sim, dans un clip vidéo projeté sur trois écrans, offre une version personnelle de la chanson thème d’Expo 67, Un jour un jour de Stéphane Venne et rend hommage aux hôtesses qui ont alors accueilli le monde.
L’exposition inclut des œuvres existantes qui sont en lien avec Expo 67 : un film de Jacqueline Hoàng Nguyễn, des épreuves sur papier argentique de Mark Ruwedel et le court métrage documentaire de Philip Hoffman et d’Eva Kolcze. Enfin, une recréation spectaculaire du film La Vie polaire de Graeme Ferguson, diffusé sur onze écrans dans le pavillon L’Homme interroge l’Univers, et d’autres films originaux seront projetés tout au cours de l’exposition « afin de montrer les façons ingénieuses dont le cinéma fut présenté et ressenti lors d’Expo 67 », notent Lesley Johnstone et Monika Kin Gagnon, co-commissaires de l’exposition.